LETTRES DE SYRIE ... Joumana MAAROUF



14 mars 2012

Bonjour.

Demain c’est la fête des enseignants. Tu sais que je suis institutrice dans une école du centre. Quelle ne fut pas notre surprise, à mes collègues et à moi-même, de constater ce matin que le congé qui nous est habituellement donné pour cette fête avait été supprimé ! On pensait sortir dans un restaurant de Bab Touma. Mais le directeur est entré dans la salle des profs. Il s’est lancé dans un discours matinal, entamé par un éloge du ministre de l’Education et de sa brillante sagacité. Il déclara : « Demain c’est le 15 mars. C’est l'anniversaire de la révolution, comme ces ânes l’appellent. Ces racailles ont appelé demain à la grève... Vous savez que les écoles et les universités représentent soixante pourcents de la fonction publique. Si elles sont fermées, ces crapules vont écrire sur Face Book que la grève a été un succès. C’est pourquoi notre ministre, qui est malin, a décidé que demain sera jour de travail. Quiconque s’absentera devra produire un justificatif, sous peine de sanction. Nous irons tous demain à la "démonstration de soutien général", sur la place des Omeyyades. Bien évidemment, personne ne vous y oblige... » Arrivé à la fin de sa harangue, il a ajouté : « Nous savons que vous êtes tous des patriotes. Demain, sur la place, vous jouerez pleinement votre rôle, vous qui formez les générations les unes après les autres ! » Et il a conclu, facétieux : « Préparez-vous pour la dabké ». Puis il s’en est allé, sans regarder le visage des instituteurs et des institutrices, ni les tête qui s’enfonçaient dans les épaules. L’une de nous, une dame âgée, a élevé la voix : « Alors, il y a un complot. Les bandes armées tuent les gens, font des massacres, enlèvent les enfants, violent les femmes… et nous on danse sur les places ?! Allez-y, mais ne dansez pas. Attristez-vous un peu sur les âmes des innocents. Faîtes une minute de silence, juste une minute… » Puis la vertueuse institutrice regarda autour d’elle. Et elle poussa un profond soupir de soulagement lorsqu’elle nous vit : ce n’était que nous.

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